samedi 3 mars 2007

Villiers : dénoncer l'islamisme c'est protéger les musulmans modérés

medium_villiersjeunes.3.jpgLa Croix , entretien avec Philippe de Villiers
Date de parution : mercredi 28 février 2007


« La France est en train de devenir une société multiculturelle avec le risque de devenir multiconflictuelle ».


Quelle est votre conception de la place des religions dans la société ?
Il faut concilier deux principes sans sacrifier le second au premier. Il y a la liberté de conscience qui veut que chaque croyant, quelle que soit sa religion, soit respecté par la sphère publique. Mais je regrette que l'on néglige trop souvent la tradition d'un pays comme la France. On admet que la Turquie soit regardée comme un pays musulman mais on n'ose plus dire que la France est un pays judéo-chrétien. La place du christianisme doit être à la mesure de ce qu'il a fondé dans les principes de notre édifice juridique et éthique, qu'il s'agisse de notre conception de l'être humain ou de la famille.


Comment concilier cette "tradition" avec le respect de la laïcité?
La laïcité que je défends instaure une séparation du spirituel et du temporel. Ce qui ne signifie pas que les deux sphères doivent être étanches. Il serait absurde de réduire la religion à un espace privé sans influence sur la société. Ce serait nier le rôle de la doctrine sociale de l'Église qui, d'encycliques en encycliques, a porté un certain nombre de messages. Les parlementaires vont avoir à débattre bientôt de la bioéthique et du clonage. Il est important que sur ces questions, il y ait une parole publique de tous ceux qui ont une conception métapolitique de l'homme. Notre société, depuis mai 68, essaie de vivre dans une post-modernité en se coupant de ses valeurs fondamentales. Que sera demain la France avec une dérive eugéniste et qui accepte une équidistance sociale entre hétérosexualité et homosexualité ?

La "tradition" chrétienne" doit-elle pour autant avoir une place prépondérante ?
Il suffit de se souvenir de ce qu'ont été les funérailles de l'abbé Pierre ou des drapeaux en berne à la mort de Jean-Paul II pour le mesurer. Mais la France est en train de devenir une société multiculturelle avec le risque de devenir multiconflictuelle. L'idée de vouloir greffer des cultures extérieures pour construire une juxtaposition d'alvéoles culturelles et une addition de mémoires particulières porte un risque pour la paix civile.

Vous redoutez une dérive communautariste?
Elle existe déjà et produit des effets visibles. La République recule partout où le communautarisme avance : dans les quartiers, dans les hôpitaux où des médecins se font agresser, et même à l'école. Notre devoir, c'est d'imposer des modes de vie compatibles avec notre corpus juridique et éthique si l'on ne veut pas demain accepter la répudiation, l'excision, ou la lapidation.

Ce qui va jusqu'à interdire le port du voile islamique ?
Le voile devrait être interdit dans tous les espaces publics. Ce n'est pas simplement un colifichet, cela n'a rien à voir avec la croix ou la kippa. C'est un instrument de soumission de la femme et d'insoumission aux lois de la République. Et une arme pour certains groupes politico-religieux dans la pénétration de notre territoire.

Le risque de ce discours n'est-il pas d'assimiler islam et islamisme et d'exclure ainsi du même coup les musulmans modérés?
Bien au contraire, dénoncer l'islamisme, c'est protéger ceux qui en sont les premières victimes, c'est-à-dire les musulmans modérés.

Le message des évêques à l'occasion des élections "Qu'as-tu fait de ton frère?" incite cependant au respect de la différence et à la fraternité…
L'ordre de la charité ne s'oppose pas à l'ordre du politique. Faut-il pour cela adopter la conception de la famille de l'islam ? C'est à l'islam de s'adapter à la France, pas le contraire. Cela suppose un effort personnel de chaque musulman pour amputer une partie - la partie politique - de sa religion. Le grand problème de l'islam, qu'on assimile à tort aux autres religions, c'est qu'il ne reconnaît pas la séparation du temporel et du spirituel. Ses trois principes fondateurs, le djihad, qui s'entend comme un prosélytisme aux formes diverses ; l'oumma qui consacre la suprématie de la communauté des croyants ; et la charia, la loi islamique, font que celui qui veut appliquer les lois républicaines doit se dépouiller d'une partie de son identité.

Doit-on pour autant refuser aux musulmans la construction de lieux de culte ?
Je souhaite une charte pour la construction des mosquées afin d'édicter des règles permettant de concilier la pratique religieuse des musulmans et le respect de nos modes de vie. Il y en a cinq : le respect de l'égalité hommes-femmes, l'interdiction dans l'enseignement de la polygamie et du mariage forcé, le respect de la liberté de changer de religion et l'interdiction de tout financement étranger.

Faut-il faire évoluer la loi de 1905 pour permettre une part de financement public ?
Je suis contre toutes subventions directes ou indirectes à la construction de mosquées. Elles doivent être financées comme le sont aujourd'hui les nouvelles églises et les nouvelles synagogues, c'est-à-dire par les dons des fidèles.

Reconnaissez-vous le Conseil français du culte musulman comme une instance de dialogue légitime ?
Non, car ce n'est pas à l'État d'organiser le fait religieux. C'est encore plus vrai à l'égard d'une religion où il y a mille sensibilités différentes. Vouloir organiser un islam de France, c'est encourager l'islamisme à travers l'UOIF (NDLR : Union des organisations islamiques de France), proche des Frères musulmans, et c'est exactement ce qui s'est passé. On a institué un organisme politico-religieux, financé par des pays étrangers qui sont en concurrence les uns avec les autres. Le CFCM est devenu un État dans l'État qui cherche à peser sur la vie publique à partir de la foi des pays d'origine. Nous sommes là dans une dérive, preuve que nos politiciens sont incultes et irréfléchis.

source: gaullistedegauche

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