vendredi 30 mars 2007

Voter pour la patrie ?

Voici un excellent article de Falk van Gaver pour la revue Immédiatement que les Hussards Noirs nous invitent à lire.

"Tout ce que nous pouvons faire de bien pour la France, aussi minime cela soit-il, il faut le faire. C’est pourquoi, sans illusion mais sans hésitation, nous voterons résolument pour la patrie."


Voter pour la patrie ?

« Si, par impossible, les diversités cessaient, si l’unité était venue, toute nation chantant même note, le concert serait fini ; l’harmonie confondue ne serait plus qu’un vain bruit. Le monde, monotone et barbare, pourrait alors mourir, sans laisser même un regret. »

(Jules Michelet)

Elections, piège à nations ? Sans illusion sur la portée de cet évènement confisqué par la sphère politicienne et médiatique, nous ne devons pas pour autant hésiter à profiter de notre vote pour exprimer notre attachement à notre pays.

Pour des raisons qui oscillent de l’anarchisme au monarchisme, nous sommes nombreux qui récusons le système partisan et la machine électorale. Nombre d’entre nous ont cependant toujours soutenu les candidats souverainistes ou populistes quelles que soient leurs origines ou leurs attaches politiques, les candidatures indépendantes et courageuses. Nous avons toujours soutenu les candidats du peuple, les défenseurs de la Cité, les tribuns de la plèbe et les amants de la France. Nous avons voté donc pour le pays, nous avons voté patriote et populaire. Nous ne voulions certes pas que l’amour du pays soit le monopole d’un parti quand il devrait être un des fondements du bien commun et nous avons sans cesse cherché à susciter ce souci de la patrie chez tous les bords.

Ainsi, certains parmi nous ont soutenu les aventures souverainistes de droite ou de gauche, des deux à la fois ou d’aucun des deux, pensant que la multiplication des propositions patriotiques dans le débat public ne pouvait être que bénéfique. Tout ce qui oeuvrait à faire éclater les clivages conventionnels, les découpages établis, nous intéressait. Nous savions la limite de ces unions sacrées mais il fallait étendre au plus large le compromis national. « Nationaux-républicains », « nouveaux réactionnaires », nous autres, de l’équipe d’Immédiatement, avons été de tous les complots fantasmés par la bien-pensance contemporaine. Bien sûr, les accusation de « fascisme », de « collusion avec l’extrême-droite » ne nous ont pas été épargnées : pour tout dire, péché suprême, nous étions taxés du lourd soupçon de participation à la « lepénisation des esprits », comme disent les journalistes… Nous aimions, nous rêvions la France, la douce France, la belle France, la plus grande France, la France libre. Celle, maternelle et chevaleresque de Charles Péguy, Georges Bernanos, Charles de Gaulle, Honoré d’Estienne d’Orves e bien d’autres encore… Les médias nous désignaient comme « gaullo-bernanosiens », nous commémorions chaque année le soulèvement des étudiants parisiens du 11 novembre 1940… Tout ce qui était national était nôtre.

Jean-Paul II, ce pape si polonais et si universel, a bien éclairé par ses écrits notre notion de la nation.1 Il a rappelé que les enseignements du Christ contiennent les plus profonds éléments d’une vision théologique de la patrie, lui conférant, outre sa réalité naturelle, une dimension surnaturelle. Il a ainsi défendu une « authentique théologie de la nation », en rappelant que « le mystère de l’Incarnation, fondement de l’Eglise, appartient à la théologie de la nation », et ouvrant le concept de patrie à la dimension de l’eschatologie et de l’éternité, sans supprimer pour autant son contenu temporel. Il a rappelé la valeur morale, quasi religieuse, du patriotisme, lié à la pietas que demande le quatrième commandement, qui nous engage à honorer nos parents : selon lui, « le patriotisme comporte en lui-même cette sorte d’attitude intérieure, du fait que la patrie est aussi pour chacun, d’une manière particulièrement vraie, une mère. (…) Patriotisme signifie amour pour tout ce qui fait partie de la patrie : son histoire, ses traditions, sa langue, sa conformation naturelle elle-même. C’est un amour qui s’étend aussi aux actions des citoyens et aux fruits de leur génie. Tout danger qui menace le grand bien de la patrie devient une occasion pour vérifier cet amour. » Comme la famille, la nation et la patrie demeurent des réalités irremplaçables. La doctrine sociale de l’Eglise parle en effet de sociétés naturelles, pour indiquer le lien particulier de la famille et de la nation avec la nature de l’homme qui a une dimension sociale organique : « La doctrine sociale catholique considère que tant la famille que la nation sont des sociétés naturelles et ne sont pas le fruit d’une simple convention. C’est pourquoi, dans l’histoire de l’humanité, elles ne peuvent être remplacées par rien d’autre », avait ainsi précisé le pape.

Reprenons, sur la même question, ce que dit le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise (n. 157) qui établit un parallèle entre personne et nation : le Magistère rappelle, dans la lignée des droits de l’homme, que le droit international repose sur « le principe de l’égal respect des Etats, du droit à l’autodétermination de chaque peuple et de leur libre coopération en vue du bien commun supérieur de l’humanité ». La paix se fonde non seulement sur le respect des droits de l’homme bien compris, mais aussi sur celui du droit des peuples, en particulier le droit à l’indépendance. Les droits des nations sont « les droits humains considérés à ce niveau spécifique de la vie communautaire. » Selon le Compendium, la nation possède ainsi un droit fondamental à l’existence, à garder sa propre langue et sa culture, par lesquelles un peuple exprime et défend sa « souveraineté spirituelle originelle », selon les mots de Jean-Paul II : bref, la nation a une personnalité et est une quasi personne ; elle s’apparente à la famille. La nation a un droit fondamental à mener sa vie suivant ses traditions propres, en excluant naturellement toute violation des droits humains fondamentaux et, en particulier, l’oppression des minorités, et à construire son avenir en donnant une éducation appropriée à ses jeunes générations. L’ordre international requiert un équilibre entre particularité et universalité et la nation est le lieu et le lien privilégié de cette médiation : le premier devoir des nations est de vivre dans une attitude de paix, de respect et de solidarité avec les autres nations.

Le Magistère reconnaît donc l’importance de la souveraineté nationale, conçue avant tout comme expression de la liberté qui doit régler les rapports entre les Etats. La souveraineté représente la subjectivité d’une nation sous l’angle politique, économique, social et aussi culturel. La dimension culturelle acquiert une consistance particulière en tant que force de résistance aux actes d’agression ou aux formes de domination qui conditionnent la liberté d’un pays : « la culture constitue la garantie de conservation de l’identité d’un peuple ; elle exprime et favorise sa souveraineté spirituelle. »2 De ce fait, les chrétiens doivent défendre et valoriser la dimension religieuse de la culture : nier ou éliminer cette dimension revient à corrompre la culture et la vie morale des nations.

La nation, c’est le seul bien des pauvres, c’est le lien social incarné : l’indépendance de la patrie et la cohésion nationale sont certainement parmi les premières des libertés humaines. La nation est le lieu où s’incarne le droit, la liberté, le lieu où les droits humains prennent chair, corps, le lieu de leur réalité, sans quoi ils ne seraient que nuées… La nation, c’est le lieu de l’incarnation, où les idéaux prennent chair. Il ne s’agit là ni d’idolâtrie ni d’idéologie – et lorsque la nation se fait idole ou idéologie nous lui opposons notre catégorique refus -, ni même d’idéalisation. Nous savons bien, nous qui en souffrons tant, combien notre pays est pourri, nous qui avons bien du mal à l’aimer, cette France post-moderne, vulgaire, ectoplasmique et laïcarde… Mais c’est tout ce qu’il reste, le peu qu’il reste, le petit reste, tout ce qu’il nous reste comme point de départ pour reconstruire une polis, une respublica christiana, un regnum francorum. Bon an mal an, bon gré mal gré, il faut bien que la république soit notre royaume de France.

Nous savons bien que la politique, la vraie vie de la Cité et la véritable action civique ne se réduisent pas à mettre un bout de papier dans une urne. Nous savons bien qu’il faut avant tout refonder et reconstruire des familles, des paroisses, des communautés, des écoles, le corps social d’une nation en déployant dans la société la loi naturelle et l’Evangile. La reconstitution du tissu organique d’une patrie charnelle, d’un pays réel, est prioritaire lorsque la nation n’existe presque plus que comme une idée, et encore… Mais cette idée, qui n’est pas sans rapport avec une réalité bonne, il faut aussi la défendre. Ce droit que nous avons de voter, nous ne devons pas le négliger. Ainsi avons-nous fait lors du référendum sur la constitution européenne, pour préserver cet ordre des nations voulu par Dieu lui-même dans de justes limites, comme le rappelle le Catéchisme de l’Eglise Catholique (§ 57) : « Cet ordre à la fois cosmique, social et religieux de la pluralité des nations est destiné à limiter l’orgueil d’une humanité déchue qui, unanime dans sa perversité, voudrait faire par elle-même son unité à la manière de Babel. Mais, à cause du péché, le polythéisme ainsi que l’idolâtrie de la nation et de son chef menacent sans cesse d’une perversion païenne cette économie provisoire. » Tout ce que nous pouvons faire de bien pour la France, aussi minime cela soit-il, il faut le faire. C’est pourquoi, sans illusion mais sans hésitation, nous voterons résolument pour la patrie.

Publié le vendredi 16 mars 2007

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