mercredi 31 janvier 2007

Fond d’investissement, une arme à double tranchant

On prétend que les délocalisations constituent un remède nécessaire à la survie des entreprises. Les salariés du fabricant de collants Well, racheté en 2001 par un fonds d'investissement, ont entendu aussi cette ritournelle ; leur usine a été fermée et l'entreprise délocalisée en Asie en 2006. Ils ne sont pas dupes, comme tous les salariés des 5000 entreprises françaises (dont 80% sont des PME de moins de 500 salaries) contrôlées par des fonds d'investissement. En réalité, ces fonds mettent en œuvre des placements; les investissements bénéficient a leurs mandants et non aux entreprises.

En effet il faut rappeler que ces fonds sont des organismes de détention collective d'actifs financiers. Ils émettent auprès des épargnants (ou mandants) des titres de propriété sous forme d'actions, qui représentent une part de leur portefeuille. Les sommes colossales ainsi collectées servent parfois acheter de simples parts minoritaires du capital d'entreprises. Ce premier type de fonds investit dans de jeunes entreprises innovantes. Cette participation génère de la croissance et des emplois en rendant plus solides ces entreprises et en leur permettant de se développer. Mais les fonds d'investissement les plus actifs rachètent en totalité des entreprises pour les revendre trois à cinq ans plus tard avec une forte plus-value. Une simple analyse du montage financier utilise par ce second type de fonds révèle le cynisme de l'investissement opéré.

La technique du leveraged buyout (LBO), ou rachat par effet levier, permet aux fonds d'emprunter aux banques la majorité du prix d'achat de l'entreprise. Ce sont les profits de cette dernière qui financeront la dette d'acquisition. Dès lors l'entreprise se retrouve à devoir payer son capital au lieu d'en disposer. Si les profits qu'elle engendre ne couvrent pas ces emprunts, une course à la réduction drastique des coûts s'engage.

Mais des résultats supérieurs aux dettes ne sauveront pas nécessairement l'entreprise ; véritable dindon de la farce, ses performances augmentent sa valeur et donc son prix de vente. Juteux profit en perspective pour le fond propriétaire qui, avec une faible mise initiale, empochera l'intégralité du prix de revente. Rachetée par un autre fond d'investissement, souvent d'ailleurs étranger, l'entreprise est entrainée dans un cercle infernal où le projet d'entreprise se résume à la plus-value future engrangée par le fonds et ses épargnants.

On nous chante la rigueur, l'efficacité et les résultats atteints par ces entreprises; primo ce n'est pas toujours le cas, certaines comme Well périclitent. Secundo cette fameuse progression du chiffre d'affaire est purement artificielle car vouée à servir un projet de placement à court terme, sans aucune volonté de pérennisation. Qui aurait l'idée de faire produire à des vignes, en trois ans, l’équivalent de vingt ans de récoltes au risque de les rendre stériles ? Sûrement pas un vigneron attaché à ses terres, après avoir investi dans son entreprise ses propres fonds, sa sueur et la fierté de la transmettre aux générations futures.

Le mode de fonctionnement de certains fonds d'investissement met ainsi en évidence la nécessité de protéger les PME françaises, qui à elles seules regroupent 4/5ème des emplois. Il s'agit pour cela d'instaurer une règlementation minimale des fonds et une protection nationale via l'affirmation du patriotisme d'entreprise. L'actionnariat salarié par exemple doit être développé, ce que soutient par ailleurs l'Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC), qui voit en cette mesure un moyen de restaurer l'image des fonds d'investissement et de désamorcer la grogne des syndicats. Protéger le travail français tout en pratiquant le libre échange n'est pas contradictoire. Des grands Etats, tels les USA ou la Chine, protègent leurs secteurs stratégiques. Il est grand temps que la France en fasse autant et favorise son tissu économique national grâce au patriotisme économique et à l’actionnariat salarié.


Florence F.

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