mercredi 14 février 2007

Coup d'Etat en robe

Edito de Paul-Marie Couteaux
Conseiller politique de Philippe de VILLIERS
Député français au Parlement européen.
14 février 2007


Voici une petite histoire juridique, donc complexe ; mais il est impératif que chacun la comprenne bien.Le protocole de Kyoto visant à limiter l'émission de gaz à effet de serre inspira à la Commission européenne une directive fixant aux Etats les cadres dans lesquels ils pouvaient transposer en droit national le fameux principe des quotas, les autorisant notamment à contrôler certains secteurs industriels plus que d'autres. C'est ainsi qu'un décret de 2005 vise l'industrie sidérurgique bien plus sévèrement que les industries du plastique et de l'aluminium. Première visée, la société Arcelor attaque alors le décret devant le Conseil d'Etat au nom du principe d'égalité. Ce jeudi 8 février, celui-ci rend son arrêt et, tout en estimant que le décret viole en effet le principe d'égalité, refuse de l'annuler, motif pris de ce que, s'il le faisait, il invaliderait la directive européenne elle-même.

Le Conseil d'Etat ne fait ainsi que prolonger sa jurisprudence ancienne (arrêt Nicolo) et suivre le Conseil constitutionnel qui, en juin 2004, avait refusé de juger la constitutionnalité d'une loi transposant elle aussi une directive européenne - cas de figure qui constitue désormais la majorité de notre droit. Autrement dit, toute norme européenne, même lorsqu'elle est transposée en droit national par le législateur (sous forme de loi) ou par le gouvernement (sous forme de décret), s'applique sans recours, fut-elle contraire à la Constitution et à des principes fondamentaux aussi établis que l'égalité devant le droit. Elle jouit ainsi ipso facto d'une sorte d'immunité juridique, phénomène absolument inconnu dans un Etat de droit, et jusqu'à présent réservé aux despotismes.

Or, ce coup de force est passé inaperçu. Seul le Professeur Dominique Rousseau s'est alarmé, dans un entretien accordé au Monde du 9 février, de ce que désormais aucun domaine "n'échappe au champ d'application du droit communautaire", affirmant même que "la Cour de Justice des Communautés européennes [a] vocation à devenir une Cour fédérale à l'américaine". Silence général de tous les partis politiques, y compris de ceux qui ont appelé à voter "non". Une fois de plus, Philippe de Villiers est le seul à soulever cette affaire. Elle est pourtant de taille : on se souvient que l'une des plus graves objections que nous faisions à la Constitution Giscard était son article 6 consacrant définitivement la primauté absolue du droit européen. L'arrêt du 8 février revient à le faire appliquer dans les faits. On peut dire sans exagérer que, par le droit, c'est un empire paradoxal qui s'installe, un empire par le droit, une sorte de dictature en robe.

Nous avions cru avoir gagné la partie contre la Constitution ; mais tout est à refaire ! En réalité, rien ne sera possible aussi longtemps que les Français ne confieront pas les affaires de l'Etat à des serviteurs du Bien commun capables de faire respecter politiquement la souveraineté de la nation. Tel est l'enjeu majeur des prochaines élections, et il y a fort à parier qu'il est présent dans l'esprit des oligarchies fédéralistes qui, pour se revancher du 29 mai, ont attendu les Français au tournant électoral pour placer à leur tête un chef et un parti qui diront "oui" à leur place. C'est ce que l'on appelle la relance de l'Europe. Or, on ne lance pas l'Europe comme une savonnette ou un ballon et, n'en déplaise à Mme Merkel et à ses affidés parisiens, on la relancera encore moins si c'est à la figure des peuples. L'Europe, il faut la refonder et pour cela lui donner un traité refondateur entièrement nouveau, respectant les nations et leurs forces propres - ce qui était l'inspiration du traité de Rome, vieux de cinquante ans en mars prochain et qu'il nous faut reprendre de bout en bout.

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